Que se cache-t-il entre les lignes d'une carte ? Comment y faire figurer des souvenirs, des rencontres, des surprises ? Comment réaliser une carte animée, une carte qui communique l'émotion d'une découverte ? Qui n'a pas un jour posé l'œil sur une mappemonde, sur un globe terrestre, cherchant à « voir » ce qui se cachait sous les traits, les frontières, à entrevoir entre les lignes de la carte ce qui s'y cache, qui n'a pas zoomé dans Google Maps en espérant surprendre un événement ? « La carte n'est pas le territoire », expliquait le logicien et linguiste Alfred Abdank Skarbeck Korzybski, en un aphorisme qui inspira nombre d'auteurs : tout comme le mot ne suffit pas à épuiser l'objet qu'il désigne, tout comme nous ne nous résumons jamais à notre nom, la carte n'est rien d'autre qu'une réduction, une abstraction graphique dans laquelle nous reconnaissons, par le biais de conventions apprises, les lieux que nous connaissons.
Que se cache-t-il derrière les palissades des chantiers, les façades des immeubles, derrière la routine ? L'aventure se trouve-t-elle au coin de la rue ? A la cartographie, on pourrait opposer l'arpentage du territoire, qui substitue à la vue surplombante, abstraite, totalisante, une expérience à l'horizontale, à l'échelle du champ de vision ; et au-delà de l'arpentage pourrait se situer la flânerie, cette promenade au hasard de la ville, tous sens en éveil, l'imagination chevillée au corps. Si l'on se promène avec suffisamment d'inattention active, alors probablement verra-ton des choses apparaitre, des pousses d'herbe entre les fissures du béton, des tâches sur les murs qui évoquent des moutons, des engins étranges, des scènes extraordinaires. Ainsi, tout comme le territoire se cache dans la trame de la carte, l'inattendu, l'étrangeté familière se terrent dans les recoins de notre habitude, prêts à surgir à la première occasion.
C'est à cet exercice que se sont prêtés Jérôme Maillet et Gérald Fleury à Saint-Herblain. Sérigraphes, graphistes, venant de l'univers du graffiti, ils travaillent sans cesse entre leurs ateliers et l'espace public, où ils interviennent au gré de leurs voyages, de leurs projets ou de leur inspiration.
A la Maison des Arts cependant, les deux artistes ont préféré tenter de ramener le tissu urbain dans la galerie : tout au long de l'été, ainsi qu'avec deux classes de la Maison des Arts, ils ont arpenté le quartier, à la recherche de ces objets, de ces scènes qui se cachent sous nos yeux. Les résultats de ces pérégrinations, ils les ont reportés sous la forme d'une animation, projetée dans le vide laissé au centre d'une carte monumentale de Bellevue, réalisé au moyen de la sérigraphie. A droite et à gauche, l'envers et l'endroit d'une palissade : les artistes, par leur geste, par leurs dessins, nous invitent à passer de l'autre côté d'un miroir, celui de la ville que nous croyons connaître mais qui nous réserve toujours des surprises.
Architecte de formation, Jérome Maillet est par la suite devenu sérigraphe et graveur, disciplines qu'il met en œuvre dans le cadre de projets, de résidences et d'exposition aux quatre coins du monde.
Gérald Fleury est illustateur et sérigraphe, co-fondateur et membre depuis 2010 de l'association nantaise Pan !, ainsi qu'animateur plasticien au sein de l'Institut de la Persagotière, à Nantes.