Jean-Michel SANEJOUAND, Espace critique noir et blanc, 2002
Une exposition d'oeuvres de Jean-Michel Sanejouand, Jean Fléaca, Hamish Fulton, Régis Perray, Laurent Tixador et Abraham Poincheval.
Pour l'artiste, le geste - qu'il s'agisse d'arpentage, de dessin ou d'écriture – acquiert parfois une dimension d'inscription du monde et dans le monde : paysage, trace ou témoignage d'une présence, archive ou croquis, la notion même de paysage est indissociable de l'acte de prendre pied dans ce paysage, d'y mener une action, un geste donné. Les œuvres présentées dans cette exposition, chacune à leur manière, illustrent la tension permanente entre la profondeur de l'espace et la planéité de l'œuvre, entre la fugacité des mouvements incessants de la nature et le caractère statique et durable de l'œuvre d'art, entre une expérience concrète des éléments et l'abstraction inhérente à l'idée même de représentation. Chacune de ces œuvres cherche, à sa manière, d'écrire – et de décrire – les lieux.
C'est le cas de Calendrier de Jean Fléaca, dont les œuvres sont autant de fragments de son expérience du monde. En Calendrier, on trouvera sans doute l'humble réminiscence des premiers livres d'heure, richement ornés de paysages qui étaient rythmés par les saisons et les travaux des champs, un rappel qu'il n'est pas de représentation de l'espace qui ne soit une tentative d'appréhension du temps.
De Héron, on ne trouve pas trace dans Sans titre, The Heron Stands and Waits, photographie prise par l'artiste britannique Hamish Fulton dans les Pyrénées en 1989. On pourra sans doute l'imaginer, hors cadre, scrutant le paysage et le marcheur, tout comme on pourra s'imaginer, dans les trous laissés par une documentation volontairement parcellaire, toute la poésie et la beauté de ce périple. L'artiste anglais, dont l'activité principale consiste à arpenter des territoires naturels, se montre particulièrement défiant vis-à-vis de toute forme de représentation.
A l'inverse, pour L'inconnu des grands horizons, Laurent Tixador et Abraham Poincheval , sortes de Robinson Crusoé contemporains dont les œuvres sont autant d'aventures rocambolesques, sont partis de la carte, de la représentation abstraite de l'espace et ont cherché à tracer des lignes droites dans l'espace, quant à lui réel, qui sépare Nantes de Caen (au nord) puis Caen de Metz (à l'est), faisant fi de détails tels que les barrières, les autoroutes, les voies ferrées et la propriété privée.
Autre immersion dans l'espace, et dans l'écrit, Nettoyer "Brick" de Régis Perray, qui contre un mur de Nantes se prend à briquer, longuement, un tag «BRICK». L'artiste est coutumier du fait, nettoyant, réparant, répertoriant et photographiant les lieux qui l'accueillent, dans une tentative aussi poétique que dérisoire de conserver ce qu'il y a d'éphémère, de fluctuant dans le monde. A sa manière, il prend soin du paysage.
Espace critique noir et blanc de Jean-Michel Sanejouand, n'est pas un paysage au sens strict du terme, tout du moins pas au sens réaliste du terme. L'artiste, cependant, est habité par la notion d'espace, il cherche par ses œuvres à créer des territoires, en écho avec celui, illimité, qui sert de cadre à ses vagabondages : c'est donc un espace mental qu'il nous donne à voir, le paysage rêvé qui accueillerait des œuvres devenues totems ou repères.